mercredi 27 septembre 2017

L'Ancien Monde.






Qu'il est loin le temps où se pratiquait la langue française ! La victoire d'Emmanuel Macron et de ses séides est aussi celle d'un vocabulaire inédit qui se superpose à la novlangue en usage depuis longtemps. Ne nous lamentons pas. C'est l'occasion de bien rire d'un ridicule contemporain de plus, et d'essayer humblement par son analyse d'en préciser davantage le caractère. 

Prenons un exemple. Il suffit de tourner le bouton de sa radio, de sa télévision ou de se connecter sur l'appareil internétique de son choix pour entendre parler de manière un peu sibylline de "l'Ancien Monde". Ceux qui  prononcent ces mots, journalistes, chroniqueurs, hommes politiques, s'enflent de prononcer une expression qu'ils considèrent comme si définitive, si opportune et si  avantageuse. En seraient-ils  l'auteur (qui d'ailleurs restera à jamais inconnu), qu'ils n'en tireraient pas de plus grande vanité. Il entre dans cette satisfaction quelque chose du plaisir de n'en être pas, puisque le ton employé par ces locuteurs indique sans ambiguïté qu'ils ne sauraient sans dégoût se situer eux-mêmes ailleurs que dans "le Nouveau Monde".

Mais qu'est-ce donc que cet Ancien Monde (j'y mets volontairement des majuscules). 

Je suppose que cette expression est apparue lorsque l'Amérique été découverte par les européens modernes à la fin du XVeme siècle, ou peut-être après. Puisqu'il y avait alors nouveau monde, il fallait bien qu'il en fut un ancien, qui ne pouvait guère être que l'Europe, auquel, peut-être, on pouvait ajouter l'Orient et l'Afrique. 

Nos modernes macronisés veulent-ils donc s'auto-désigner comme américains, par opposition à un monde ancien européen ? écartons tout de suite cette hypothèse saugrenue. Qu'il s'agisse de l'Amérique du Donald, ou de celle des héritiers de Chavez et Fidel, l'outre-atlantique d'aujourd'hui présente des traits trop vulgaires pour servir d'inspiration à des progressistes inspirés. 

Et d'ailleurs l'Europe, celle de Schuman et Monnet, n'est-ce pas,  pas celle de de Gaulle, of course, présente tant de commodités et de perspectives qu'il n'est rien de plus noble ni de plus urgent que de s'y inscrire  avec une énergie renouvelée (cf discours d'Emmanuel Macron à la Sorbonne hier). 

 L'Ancien Monde n'est donc pas l'Europe, et il nous faut poursuivre ailleurs notre quête. 

Il est en France une expression proche qui est utilisée pour désigner la monarchie d'avant la Révolution de 1789 : l'Ancien Régime. Tocqueville l'utilisait déjà ("L'Ancien Régime et la Révolution").  

Mais il y a plus qu'une nuance entre cet "Ancien régime" et "l'Ancien Monde" de nos macro-compatibles. L'Ancien Régime exprime qu'il y a bien un changement politique profond intervenu à la fin du XVIIIeme siècle en France, ce qui est beaucoup, certes, mais pas plus. Il n'y a pas de modification géographique, encore moins tellurique, et pas davantage de changement d'ère, d'être, d'atmosphère ou de cieux. Le gouvernement s'en trouve bouleversé, mais les territoires, les hommes, et le temps restent les mêmes.

Voilà une ambition par trop mesurée pour des hommes de la stature de  Richard Ferrand et ses amis. Car pour ces titans de l'Histoire de l'Humanité, c'est une fracture totale qui est intervenue le 7 mai 2017. Non seulement notre pays ne sera plus jamais dirigé comme au préalable, mais tout, y compris les dieux que nous adorons, l'air que nous respirons, la terre que nous foulons, l'eau que nous buvons, les paysages que nous contemplons, les personnes avec lesquelles nous commerçons, tout a été irrémédiablement transmuté par l'effet de notre alchimiste de président.

Émergeant de l'Ancien, apparaît en majesté ce Nouveau Monde jupitérien qui nous comble déjà de ses bienfaits et de ses merveilles, par la grâce de La République En Marche. Étrange, d'ailleurs, de se déclarer toujours en marche, lorsque l'on est déjà parvenu à bon port, et quel port, mais on ne s’arrêtera pas à un tel détail. L'essentiel est d'avoir mis fin totalement à l'Ancien Monde.

C'est à dire tout avant le 7 mai : les politiciens véreux, les méthodes douteuses, les promesses non-tenue, les grenouillages occultes, les pollueurs non-payeurs, les présidents normaux, les réactionnaires nauséabonds, les populistes démagogues, les attentats meurtriers, les animateurs radio débiles, les tribuns de la plèbe agités, les bourgeois homophobes, etc, etc...

On comprend mieux la moue dédaigneuse  de ceux qui parlent souvent et volontiers de l'Ancien Monde : ce dernier ne présente pas bien. Il fait désordre avec ses relents de décadence. Et cet avant cacochyme, on le proclame caduc, haut et fort !

 Mais aurait-on besoin de réitérer cet nouvelle si elle était si évidente et si vraie ?

 Je laisse le soin au lecteur de répondre à cette question comme il l'entend.

samedi 2 septembre 2017

Week-end à Dunkerque (2/3)

Les critiques à l’encontre de « Dunkerque » portent également sur le fond du film. Elles sont de plusieurs ordres (1).

Pour certains, l’ensemble manque totalement de vraisemblance et ils dressent des listes de scènes et de circonstances « qui n’ont pu se passer ainsi ». On salue ces témoins tatillons d’un événements survenus pour la plupart d’entre-eux, et au mieux,  plus de 20 ans avant leur naissance. On note simplement que certains anciens combattants, eux,  s’y sont retrouvés, et qu’en matière de crédibilité subjective, cela nous suffit amplement.

Terminons sur ce sujet en rappelant qu’Hitchcock lui-même considérait la vraisemblance comme inintéressante  en matière de cinéma, seul important que le spectateur soit capté par l’action, par l’émotion ou le suspense. Une technique cinématographique aboutie permet de le faire. Or, sur ce dernier point, nous avons déjà exprimé ce qu’il est permis d’en penser.

Pour d’autres, on ne verrait dans ce film que quelques centaines de soldats alignés sur un coin de plage, des carcasses de camions, trois ou quatre avions et  des navires faméliques. Pour décrire une opération Dynamo qui a eu pour effet de permettre le rapatriement de centaines de milliers de soldats sous un intense pilonnage ennemi, ce serait une représentation ridiculement étroite, qui ne se justifierait même pas par un budget restreint (le film a coûté cher).

A ce type d’objections, se rattachent celles qui regrettent une totale absence de vision stratégique, qui aurait pour effet de priver le spectateur d’une perspective sur les origines de l’événement, ses enjeux et ses conséquences.

Cet argument peut s’entendre,  mais il  méconnait l’intention du réalisateur. Son objectif affiché n’est en rien de reconstituer la bataille de Dunkerque, mais de l’évoquer dans un but précis. Il suffit donc que cette évocation soit efficace, qu’importe qu’elle ne soit pas panoramique, et qu’elle ne s’inscrive pas dans la tradition respectable d’un cours d’histoire de la Sorbonne.




Nous réserverons une place particulière à un dernier reproche de fond fait au film de Nolan : l’absence prétendue à l’écran des troupes françaises qui ont pourtant permis le succès de l’opération Dynamo, en assurant la défense de Dunkerque au prix d’énormes pertes (2).

Elle est en partie injuste : des français apparaissent au début du film dans leur rôle (c’est à dire en train de défendre Dunkerque), d’autres tentent de s’embarquer, un français y parvient en se faisant passer pour un militaire anglais, enfin l’officier de marine britannique reste au péril de sa vie après l’embarquement de ses compatriotes, pour s’occuper de celui des français.

Surtout, il est stupéfiant de constater avec quelle vivacité des critiques français reprochent amèrement à un cinéaste anglais de ne pas rendre justice à l’armée française, sans songer un instant à inviter l’ensemble des si brillants metteurs en scene de notre pays à le faire. Mais au fond, pourquoi s’en étonner tant chez nous l’auto-dénigrement et la réticence au récit national est devenu une habitude familière. D’ailleurs, ce n’est venu à l’esprit de personne.

Il y a pourtant un vieux film français dont le sujet est la bataille de Dunkerque : Week-end à Zuydcotte. Remet-il en cause nos réflexions ci-dessus ?

Nous verrons cela dans la troisième partie de cette petite chronique.

(1) Un bon condensé de ce type d'arguments figure en ligne dans la critique de Jacques Mandelbaum, dans le Monde du 19 juillet 2017.
(2) On passera sur le reproche d'un film "trop blanc" par Clara Delente, dans Télérama en date du 2 août 2017.


mercredi 16 août 2017

Week-end à Dunkerque (1/3)





Laissons notre nouveau président de la République jouer sa comédie estivale, et intéressons-nous un peu au cinéma. 

Il a  été beaucoup écrit sur le film de Christopher Nolan « Dunkerque », et par des gens forts compétents. Mon propos n’est donc pas de faire une critique cinématographique de plus, mais plutôt d’en examiner certaines , d’identifier "de quoi elles sont le nom".

À cet égard, il est fait des reproches formels au réalisateur : manque de dialogues, personnages peu esquissés, peu attachants,  accent mis sur l’action, la violence, manque de hauteur de vue, cynisme, absence d’émotion.

Pourtant ce serait bien à tort que le spectateur s’en tiendrait  à la perception d’un film d’action, froid, brutal, et au ras des pâquerettes.

Certes, Dunkerque est en apparence construit  volontairement à la manière d’un implacable thriller comme une multitude de films "pop-corn" actuels. Mais sa structure rigoureuse à l’extrême d'un point de vue formel (manière d'organiser le temps ; les éléments terre,  air, mer et même feu ; bande-son très travaillée) en fait un exemple d'école de cinéma. L'essentiel est que tout cela n’est qu’un moyen pour déboucher sur une émotion patriotique britannique sobre, sincère et émouvante. Pour citer le réalisateur : "Dunkerque est un appel à l’héroïsme collectif". On ne peut mieux dire.

Un exemple : au moment où l’officier de marine anglais en charge de l’évacuation se désespère de trouver les moyens de faire embarquer des troupes vouées à la mort ou à la captivité, il voit dans ses jumelles  se dessiner une immense flottille de petits navires civils venus à la rescousse. On l’interroge, mais de quoi s’agit-il ? « Home, la patrie », répond-t-il, les yeux rougis par le soulagement et l'admiration.

Un autre exemple : la scène finale de l’élégant Spitfire qui,  à cours de carburant,  plane sur la plage de Dunkerque et s’y pose majestueusement. Le pilote y met le feu pour éviter qu’il ne tombe aux mains de l’ennemi.  Il faut peu d’imagination pour  y discerner une poignante vision d’une Europe libre en flamme mais qui persiste dans son refus de sombrer.

Il y a donc du contre-sens dans ces reproches formels et sans doute reposent-ils  sur une incapacité à voir au-delà de ce qu’il y a à voir. Il est à craindre que cela soit le cas d’une grande partie du public, et c’est assurément le cas d’une partie de la critique (or, au passage, n’est-ce pas précisément ce que l’on attendrait de cette dernière ?). 

La question se trouve donc posée de déterminer les raisons de cette incapacité. 

Pour commencer à répondre, on peut  parier sur l’insensibilité et  l’inculture littéraires qui sont savamment entretenus dans notre pays depuis longtemps. Mais nous ne parlerons pas d’avantage de ces deux points qui exigeraient des développements longs et hors de notre sujet.

Une  raison plus directe et plus immédiate réside en ce que l’on nous serine en France  que l’amour de son pays est une attitude quasi-fasciste. Un français d’aujourd’hui ne peut donc avoir que la plus grande difficulté à comprendre un film où au nom du patriotisme, des civils britanniques, au péril de leur vie, viennent sauver ce qui reste de leur armée menacée instamment de destruction par…une armée fasciste !...

Il est par conséquent illusoire d’attendre du public et de la critique de notre pays qu’ils puissent résoudre une telle contradiction, et qu’ils vibrent aux accents britanniques de ce film alors qu’ils ne sont  pas eux-mêmes susceptibles de ressentir le moindre élan français. Au mieux y verront-t-ils un bon suspense, mais plus vraisemblablement un blockbuster de super-héros, de type « Captain  Albion  contre les méchants nazis".

C’est triste, mais c’est ainsi. Et ce n’est pas tout. Car il y a également des reproches de fond qui sont faits au film de Christopher Nolan, que nous évaluerons dans le prochain épisode cette publication.

lundi 9 mai 2016

Macronpidou ou Pompimacron.

 

L'émergence d'Emmanuel Macron sur la scène politique française semble émoustiller certains par le caractère "atypique" (c'est à dire original, en novlangue) de son parcours passé. On se demande pourquoi. Il y a un précédent. Allons, un petit effort de mémoire !

Il y a bien un homme politique qui a fait sa carrière professionnelle dans la banque, sans guère se préoccuper de politique, même aux heures les plus sombres de notre histoire. Il y a bien un homme politique découvert et porté aux responsabilités par le chef de l'Etat en exercice de l'époque, sans avoir jamais brigué l'onction des urnes. Il y a bien un homme politique qui après avoir été ministre, a songé à un "destin national". Il y a bien un homme politique qui avait des lettres, je veux dire plus que les autres.

Ah, vous voyez maintenant : c'est Georges Pompidou !

Rien de nouveau sous le soleil. Ce qui devrait attirer l'attention est ailleurs, à l'inverse du natif de Monboudif :dans la vacuité du message macronesque, et dans la rapidité presque ridicule avec laquelle il prétendrait accéder à la plus haute charge de l'Etat.

En effet, notre jeune premier ne cesse de se prétendre de gauche, tout en claironnant la nécessité du libéralisme. Il jure fidélité à Hollande tout en ne manquant aucune occasion de se montrer son rival. Il embrasse le discours dominant à grandes pelletées de points Googwind et va préter hommage et foi à la pucelle d'Orléans. Etc...

Comme pour Fantomas, on est tenté de se poser ces questions basiques : Que pense Macron ? que fais vraiment Macron ? de quoi Macron est-il le nom ? quels sont les amis de Macron ?

Mystère et boule de gomme.

Lorsque Pompidou commence sa carrière politique, il a 47 ans. Lorsqu'il s'engage dans la course présdentielle, avec succès, il en a dix de plus, et une solide expérience notamment comme Premier ministre. Macron n'a pas 40 ans. Il n'a qu'une courte expérience de ministre de finances et encore peut-on considérer aujourd'hui qu'il ne l'exerce plus qu'à mi-temps.

Voilà : Macron n'est aujourd'hui qu'un baudruche médiatique vite gonflée, et qui peut éclater demain.

Mais compte tenu de la dégradation du tissu politique  en France, qui peut jurer qu'une baudruche n'a aucune chance d'être élue ?

mardi 19 avril 2016

Hollande hors jeu ?

 

 
 
Ne comptez pas sur moi pour jouer au jeu risqué des pronostics.
 
A 13 mois de la future élection présidentielle, l'expérience montre de manière trop flagrante que l'on ne peut savoir qui sera l'heureux élu. En 1994, qui donnait Jacques Chirac contre Balladur ? en 2011, qui pensait que l'obscur Hollande allait décrocher la timbale face à DSK ? à l'étranger, qui tablait sur large victoire des conservateurs au Royaume-Uni, reconduisant Cameron au 10 Downing street ? qui, il y a un an, prévoyait qu'un candidat aux primaires aussi folklorique que Trump serait aujourd'hui le favori républicain ? etc...Le champ des éventualités est tel, et les imprévus si innombrables dans une campagne présidentielle, que nul ne peut raisonnablement émettre un son pour déterminer à qui sera confié le sort du pays en 2017.
 
Or, on perçoit sur les ondes et dans les gazettes, à droite comme à gauche,  une  antienne de moins en moins sourde, qui annone que François Hollande n'a aucune chance d'être réélu (voir par exemple le récent (et trés bon dans la forme) article de Georges Michel " Le dernier clou du cercueil", sur Boulevard Voltaire). Et bien je voudrais jeter à bas une telle certitude, au risque de décevoir et d'effrayer le lecteur.
 
Elle repose avant tout sur l'extraordinaire impopularité de l'actuel locataire de l'Elysée. Cet argument ne saurait prospérer. D'abord, parce que cette impopularité est mesurée par des sondages, dont chacun sait à quel point ils peuvent être manipulés et versatiles. Ensuite, parce que des sondages bas n'ont jamais empéché aucun homme politique de se représenter, du moins s'il se découvre l'envie de rempiler. Et l'impopularité, un an avant l'élection, n'est pas comparable à l'acte civique qui consiste à déposer un bulletin dans l'urne un  an après. De manière consciente ou pas, l'électeur ne fait pas jouer les mêmes mécanismes psychiques dans un cas comme dans l'autre. Il est vrai qu'en 2012, Sarkozy n'a pu surmonter ce handicap, mais ce contre-exemple ne peut à lui seul suffir à démontrer l'inanité du principe.
 
Et puis, il faut se mettre en garde contre le risque classique qui consiste à sous-estimer celui que l'on méprise. Si François Hollande est un exécrable président, il est un candidat plutôt bon. Il ne doit pas seulement sa victoire de 2012 à l'impopularité de son prédecesseur et au forfait de DSK. Il a su avec une certaine rouerie gravir les échelons qui l'on mené à la tête de l'Etat. Ce n'est du reste pas une surprise : cet homme est un apparachik. Or , un apparachik, ça ne sait pas faire grand-chose, sinon intriguer et gagner des élections. Mais ça, il a montré savoir le faire. En d'autres termes, François Hollande est un stratège minable mais un tacticien correct. Méfiance.
 
En outre, si l'on regarde la gauche socialiste, qui pourrait être crédible face à lui ? Valls ? trop marqué par son passage à Matignon. Aubry ? n'a pas l'air d'avoir envie. Montebourg ? trop fantasque. Macron ? trop inexpérimenté ( même si Hollande fait tout pour qu'il perturbe la popularité de Valls, tiens, tiens,...). DSK ? soyons sérieux. Ayrault ? trop terne. Fabius ? casé au conseil constit. par Hollande ( tiens, tiens,...), Najat ? je plaisante. Royal ? déjà vue, etc...Par élimination, François Hollande conserve de bonnes chances d'être choisi par les primaires de la gauche. Conservons cette hypothèse.
 
Et regardons maintenant le mécanisme politique mis au point par François Mitterrand autrefois, qui n'en finit pas de produire ces effets néfastes, et prenons pour autre hypothèse ( pas plus certaine que l'autre, il est vrai...) que Marine Le Pen figure au deuxième tour. Le candidat PS ou LR qui sera face à elle sera élu à coup sûr. Or, il ne me parait pas du tout acquis qu'il s'agira du candidat LR.
 
En effet, le candidat LR le mieux placé aujourd'hui est Alain Juppé. Si ce dernier s'avère le candidat choisi par LR, la bataille du premier tour se jouera au centre. Or, le centre, c'est connu, est un mystère instable, capable de balancer pour ou contre Hollande, Chirac, Royal, Macron, DSK, Giscard, Balladur, Jospin, Mitterand, Juppé, Valls,  ou n'importe qui au moindre coup de vent. Et personne ne peut savoir qui de Juppé ou de Hollande franchira le cap du premier tour.
 
Et si un autre candidat LR est choisi par la droite, il sera nécessairement plus à droite que Juppé, découvrant le flanc centriste LR/Modem de la droite. Et s'ouvrira alors un boulevard devant François Hollande qui lui permettra aisément de se qualifier pour le deuxième tour.
 
On connait la suite !
 
Alors, que l'on cesse de considérer François Hollande comme hors jeu. Du moins tant qu'il n'annonce pas officiellement renoncer à se présenter.
 
 

mercredi 30 mars 2016

Mauvaises Pâques.


Le week-end pascal vient de s’achever dans un bain de sang à Lahore (70 morts).

Dans cette ville du Pakistan, un islamiste (tendance taliban, affilié à Daech) n’écoutant que son courage, s’est fait exploser, au beau milieu d’une foule de femmes, d’enfants et d’autres, majoritairement chrétiens venus pique-niquer dans un parc pour Pâques. Dans un pays où les fidèles du Christ constituent une infime minorité (3%), mal considérée, pauvre et faible, le caractère anti-chrétien de ce misérable  attentat n’est un mystère pour personne, puisqu’il a été d'ailleurs expressément revendiqué comme tel.

Quelques esprits superficiels ont cru bon de s’étonner que la presse, les réseaux sociaux, les plateaux de télévision, le café du commerce, etc… n’aient pas bruissé à ce propos, comme lors des évènements comparables de Paris ou Bruxelles. Ils ont eu tort. Il y a quelque chose de parfaitement humain à se pâmer de ce qui survient près de chez soi, et à être moins touché par le sort de nos prochains éloignés. C’est injuste, mais c’est ainsi.

Le scandale est ailleurs.

Il est dans la réaction des responsables politiques et religieux qui, eux, ont le devoir  impératif de s’élever du commun des mortels et d’exprimer les faits et les sentiments de manière lucide, courageuse et honnête. Ce principe devrait s’appliquer en tout temps, mais il devient vital dans les  temps troublés que nous vivons, où toute erreur diplomatique ou de communication peut se payer cash.

Or, nous avons assisté à un concert d’hypocrisie et de pusillanimité  qui ne peut prêter qu’à la colère, puisque le rire est exclu en de pareilles circonstances.

En tête du peloton, sans surprise, le Président de la République française, qui réussit l’exploit de relater les faits ci-dessus sans même prononcer les mots de chrétien et d’islamiste. Il n’est question que de terrorisme. Quel terrorisme ? Quel terroriste ? Quelle cible ? Dans quel but ? Sans doute l’ignore-t-il, mais il serait le seul.

Le seul ? Non. Car il faut reconnaitre que la Maison-Blanche n’a guère fait mieux, pas plus que le Premier Ministre britannique ni le secrétaire général des Nations-Unies.

Et il m’attriste de devoir dire que le clou (sans calembour de mauvais goût) vient du Saint-Siège qui devrait être en première ligne, et qui s’est  pourtant  montré  discret et froid dans les termes de sa condamnation.

Les partis politiques traditionnels (LR, PS) ont eu un petit peu plus de cran en évoquant le caractère anti-chrétien du massacre, mais sont rapidement passés à autre chose. Seul Nicolas Dupont-Aignan a dit ce qu’il convient : « En ce lundi de Pâques, ce crime effroyable visant des chrétiens ne doit pas rester impuni ».

Est-ce ainsi que l’on parle des alliés, des victimes, des ennemis, des enjeux, en temps de guerre ? Non. Sauf si l’on tient à la perdre.
On nous dit que bientôt la France ressemblera à la Belgique. C’est idiot, puisque c'est déjà le cas. Mais avec de tels dirigeants,  elle ressemblera au Pakistan.
Malheur au vaincu.

samedi 3 octobre 2015

La capitulation.

J'ai écouté ce matin sur France-Culture l'émission d'Alain Finkielkraut consacrée au dernier ouvrage de Pierre Manent, "La situation de la France". L'auteur s'y est exprimé sur le sort de l'islam dans notre pays, avec Jacques Julliard comme contradicteur. J'attendais de ce dialogue des idées sur la manière d'envisager l'avenir de notre pays autrement que par une guerre civile. La vigueur de la réflexion libérale de l'un aurait dû s'appuyer sur l'idéalisme de gauche de l'autre.

Et bien, il est peu de dire que la déception a été profonde. Certes, Manent a un raisonnement solide, une culture politique profonde, en bref, on peut dire qu'il s'agit d'un bon théoricien. A ce titre, son initiative apparaît légitime : il a le mérite de tenter une solution. Mais en quoi consiste-telle?

Une sorte de contrat entre la France et les musulmans français au terme duquel ces derniers accepteraient de se plier aux "valeurs de la République", et singulièrement la liberté de critique et de pensée relative à leur religion , en contrepartie d'une liberté de pratiquer leurs mœurs , à quelques réserves près (droits des femmes, en gros).

Mais c' est méconnaître que justement ce que n'acceptent pas bon nombre de français "de souche ", c'est de supporter sous leurs yeux des usages opposés aux leurs ( ne pas manger du porc, ne pas boire de l'alcool, piscines non-mixtes, femmes voilées, etc...). Et c'est refuser d'observer que les musulmans ne peuvent admettre renoncer à un pivot de leur façon de vivre : la place de la femme fort différente de celle qu'elle occupe en Occident.

C'est ainsi que la conclusion d'une telle convention paraît irréaliste, comme l'a souligné justement Jacques Julliard.Mais à supposer même qu'elle le soit, elle ne serait qu'un marché de dupe, une  bombe à retardement prête à exploser à la première occasion. Comme tout contrat entaché d'un vice du consentement.

Quant à Jacques Julliard, lui, il n'a pu proposer autre chose que sa foi en une  laïcisation spontanée des musulmans français. On se demande sur quoi elle repose. Sûrement pas sur l'experience passée, qui nous enseigne exactement le contraire.

Finkielkraut devait être dans un mauvais jour. Il semblait presque s'incliner de lassitude devant ces propositions qui ressemblent à s'y méprendre à une capitulation.

On assistait donc pendant une heure à une conversation de qualité, entre personnes installées sur le pont d'un vaisseau de glace glissant sur une mer chaude. La France est ce navire qui se liquéfie sans bruit et dont il ne restera bientôt rien. A peine le murmure d'un souvenir agréable.