jeudi 28 novembre 2013

Le Sud





Afin de rompre avec la froidure et la grisaille qui submergent  peu à peu la métropole, je vous propose une série de billets consacrée à des sujets chauds et ensoleillés. 

Et d’abord, en guise d’introduction, voici une évocation d'une chanson populaire : le Sud, de Nino Ferrer. Je ne voudrais pas tout rapporter à la politique mais je suis persuadé depuis longtemps qu’il s’agit d’un texte  d'esprit bien réactionnaire.

J’entends les objections : Nino Ferrer était plutôt à gauche, il se disait lui-même influencé par mai 68, il défendait le Larzac au bon vieux temps, cette chanson célèbre une ambiance géographique,  quel rapport avec la  politique, et puis quel intérêt d’analyser sous cet angle un tube rassembleur, et puis, et puis, etc... 

Certes, certes. Explications.

Un texte échappe parfois à son auteur. C’est le cas de celui-là. 




«C’est un endroit qui ressemble à la Louisiane, à l’Italie, ...»

La Louisiane ne ressemble pas à l’Italie, sauf le soleil, et encore. 

Nino Ferrer a passé les premières années de sa vie en Nouvelle-Calédonie, où son père était ingénieur dans les mines de nickel. A-t-il écrit en pensant à ce territoire d’outre-mer ? peut-être, mais il est permis d’en douter. Le savait-il d’ailleurs lui-même ?

Il en résulte que «Le Sud» est un fantasme et non un endroit précis. Il s’agit d’un rêve de bonheur terrestre que l’on souhaite chaud, lumineux, familial, stable et à durée indéterminée. 

«Il y a des enfants qui se roulent sur la pelouse»

«Le temps dure  dure longtemps

Et la vie sûrement plus d’un million d’années

et toujours en été»

Mais voilà : une telle félicité est menacée, par ceux qui veulent que ce scandale cesse. A leurs yeux, il est indispensable de changer. C'est le progrès. C'est dommage, mais c'est ainsi. Le Sud a raté son coup. Le Sud a perdu d'avance. Il ne peut y avoir de rédemption. Il est condamné.

Mais il va se battre, morbleu,  c'est inutile, mais tant qu'à finir, autant le faire en beauté.


«Un jour ou l’autre, il faudra qu’il y ait la guerre, on le sait bien...

On n’aime pas ça, mais on ne sait pas quoi faire...

On dit c’est le destin, tant pis pour le Sud, c’était pourtant bien»

Finalement, le bonheur perdu, l'inéluctabilité du destin, tel que nous le réserve la Divine Providence : voilà le thème de cette chanson. Il ne sert à rien de s'agiter en s'imaginant améliorer ce qui ne peut l'être. L'Ordre bienfaisant n'a pas d'avenir.

On retrouve tous ces sujets abordés par le même auteur dans un autre texte " La maison près de la fontaine", abordé sous un angle plus "écolo", comme on dirait aujourd'hui, mais qui pourrait passer pour un retour à la terre qui rappelle les heures les plus noires de notre histoire. 

"L'automne, l'enfance, l'éternité…

On allait à la pêche aux écrevisses avec monsieur le curé

La maison a disparu, ça sent l'hydrogène sulfuré, la société, 

c'est pas si mal, c'est normal, c'est le progrès" 

Nino Ferrer s'est suicidé le 13 août 1998, à Montcuq dans le Lot.



N.B.

Une confidence : ma chanson préférée de Nino Ferrer n'est pas le Sud. C'est La Rua Madureira. Vous ne connaissez pas ? courez l'écouter.




9 commentaires:

  1. C'est curieux, je n'avais jamais envisagé l'oeuvre de ce brave Nino sous cet angle...mais maintenant que vous le dites...
    Sinon, aller se suicider dans Montcuq, faut le faire. Sur les conseils de Daniel Prévost, sans doute?
    Je vais écouter Rua Madureira, je vous dirai...
    Amitiés.

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  2. La vie qui dure plus d'un millions d'années, et toujours en été, c'est la définition même de l'enfance, lorsqu'elle ne vit plus que dans la mémoire – qui est sa vraie place.

    Sinon, d'accord avec vous, quant à La Rua Madureira. Le plus étonnant, peut-être, est que cette chanson a été enregistrée en pleine époque “Mirza”, alors qu'elle est d'un esprit totalement autre.

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  3. Nouratin,

    Oui, le choix de Moncuq est étrange...pas sûr que Prévost y soit pour quelque chose.

    Didier,

    La référence à l'enfance est en effet probable et aurait d'avantage plu à Nino que la référence politique que je propose.

    La guerre figurerait alors l'entrée dans la vie adulte.

    On notera que les deux interprétations ne s'excluent pas l'une l'autre.

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  4. j'adore cette chanson, je pensai moi aussi plutôt à un regret de l'enfance, je l'ai toujours comprise ainsi, mais votre vision est aussi très intéressante
    amicalement

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  5. Votre billet confirme ce que je pensais de cette chanson.
    Il y a du Rett Butler dans Nino !
    Je vois que les commentaires sont partagés.

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  6. Nino partage avec Rhett Butler l'attachement au "Sud".

    Mais l'un est mélancolique et fataliste, l'autre cynique et pragmatique.

    Je n'imagine pas Butler se suicider à Moncuq.

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    Réponses

    1. "Je n'imagine pas Butler se suicider à Moncuq."
      C'était une super quenelle, mais pas drôle du tout, celle-là.

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    2. Une super quenelle ?

      Je ne vous suis pas, Carine.

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  7. Le Sud, la Louisiane, ça nous amène au coton, à l'esclavagisme, à Tarantino et Django , à la reprise de Chimène Badi qui y retourne par tous les chemins ...

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