Entendons-nous bien : je ne suis en aucun cas un
spécialiste des questions égyptiennes, pays où, hélas, je n’ai jamais
eu l’occasion de me rendre. Je n’ai pas plus de qualités divinatoires que l’homme
de la rue. Pour autant, un peu de lucidité, de bon sens, et
peut-être une pincée d’expérience dans l’observation des choses de la politique
m’ont permis, avec quelques autres, dès
les premiers frémissements du « printemps arabe » d’être pour le
moins circonspect quant aux perspectives qu’offraient ces évènements.
On aurait aimé la même prudence de la part de nos
gouvernants d’alors, comme de ses opposants et de nos intellectuels français.
Or, à quoi a-t-on assisté ? A un concert de louanges de toutes parts, à
droite, à gauche et au milieu : on fustigeait le Raïs, hier pourtant grand
ami, devenu du jour au lendemain un ignoble tyran. On admirait les
révolutionnaires héros blogueux et modernistes. On avait des larmes d’indulgence
pour les islamistes forcément modérés. Enfin, l’Egypte débarrassée de son
dernier pharaon obscurantiste et militariste allait basculer de l’ombre à la
lumière, et l’occident allait la conduire sur un chemin pavé d’élections
libres, de déclaration des droits de l’homme de 1789, et de prospérité libérale.
Las, deux ans après, l’enthousiasme a dû laisser place à la dure
réalité qui ne se laisse pas oublier bien longtemps.
Des élections libres ? Elles ont donné le pouvoir aux
frères musulmans. Les droits de l’homme ? Entre coup d’Etat, répressions sanguinaires,
président élu aux arrêts et églises incendiées (et j’en passe) ils ne sont qu’un
horizon inaccessible. Prospérité
libérale ? Une des ressources du pays, le tourisme, est à l’agonie.
Aujourd’hui, l’armée est à nouveau au pouvoir, et Moubarak libéré.
Mais que s’est-il donc passé ?
Il est courant de se demander si l’islam est compatible avec
la démocratie, comme l’a fait récemment Manuel Valls. Cette interrogation
légitime en France n’est toutefois pas de mise en Egypte. La question qu’il aurait fallu
se poser il y a deux ans était de savoir si la démocratie est compatible avec l’islamisme,
ce qui n’est pas exactement pareil. Et si l’islamisme n’allait donc pas entrer
dans la gare du pouvoir confortablement installé dans un wagon de première classe du train
démocratique. A cette interrogation la réponse était évidemment oui, même sans
connaitre l’Egypte ! Vu d’ici, il est clair que les islamistes (et je
pense bien sur aux Frères musulmans) constituent un force organisée et
nombreuse, au moins autant et probablement plus que les « laïcs » urbains
et occidentalisés.
Et ce qui devait arriver arriva : un président Frère
musulman a été élu « démocratiquement ». Or, ce que les islamistes
prennent, ils ne le rendent pas. On ne saura jamais ce qui serait advenu si
Morsi était resté au pouvoir. Mais je suis pour ma part convaincu que son
mandat se serait achevé par un coup d’Etat islamiste destiné à éviter l’élection
possible d’un président « laïc ».
Dès lors, nos chers révolutionnaires (et leurs admirateurs
français) étaient pris dans l’étau dont ils ne sortiront plus : renier
leur foi démocratique et leurs idéaux libéraux pour protéger l’Egypte de l’islamisme,
ou accepter la décision des urnes jusque dans ces conséquences les plus
funestes pour la démocratie.
L’armée égyptienne a tranché dans les conditions que l’on
sait.
Cela a-t-il eu pour effet de déciller les yeux de nos élites
hexagonales ? Apparemment non. Le Président français n’a de cesse de
critiquer le coup d’Etat et d’appeler à un dialogue aussi irréaliste que dangereux. Sauf erreur de
ma part, aucun zélateur du « Printemps arabe » n’a eu jusqu’à présent
le courage de reconnaitre, qu’au fond, « c’était pas si mal avec Moubarak ». Au mépris de toute intelligence de la situation, et en s'obstinant dans une sottise dont l'ampleur ferait passer la pyramide de Giseh pour un grain de sable du désert.
Et il est tout de même navrant de constater que le seul
dirigeant européen qui tente de se battre contre l’islamisme avec fermeté et
bon sens soit…le peu sympathique Vladimir Poutine.
Le même genre de considération peut-être tenu, en les
adaptant aux circonstances locales, pour la Tunisie, la Syrie et la Lybie.
Et qui sont les premières victimes ? Les chrétiens,
évidemment, lorsqu'il en reste encore.
Cela fait mal, mais il faut tout de même se souvenir qu’il n’y
a pas si longtemps, la France était considérée comme la protectrice des chrétiens
dans ces régions du monde. Mais où est donc passée cette vocation ?