samedi 3 octobre 2015

La capitulation.

J'ai écouté ce matin sur France-Culture l'émission d'Alain Finkielkraut consacrée au dernier ouvrage de Pierre Manent, "La situation de la France". L'auteur s'y est exprimé sur le sort de l'islam dans notre pays, avec Jacques Julliard comme contradicteur. J'attendais de ce dialogue des idées sur la manière d'envisager l'avenir de notre pays autrement que par une guerre civile. La vigueur de la réflexion libérale de l'un aurait dû s'appuyer sur l'idéalisme de gauche de l'autre.

Et bien, il est peu de dire que la déception a été profonde. Certes, Manent a un raisonnement solide, une culture politique profonde, en bref, on peut dire qu'il s'agit d'un bon théoricien. A ce titre, son initiative apparaît légitime : il a le mérite de tenter une solution. Mais en quoi consiste-telle?

Une sorte de contrat entre la France et les musulmans français au terme duquel ces derniers accepteraient de se plier aux "valeurs de la République", et singulièrement la liberté de critique et de pensée relative à leur religion , en contrepartie d'une liberté de pratiquer leurs mœurs , à quelques réserves près (droits des femmes, en gros).

Mais c' est méconnaître que justement ce que n'acceptent pas bon nombre de français "de souche ", c'est de supporter sous leurs yeux des usages opposés aux leurs ( ne pas manger du porc, ne pas boire de l'alcool, piscines non-mixtes, femmes voilées, etc...). Et c'est refuser d'observer que les musulmans ne peuvent admettre renoncer à un pivot de leur façon de vivre : la place de la femme fort différente de celle qu'elle occupe en Occident.

C'est ainsi que la conclusion d'une telle convention paraît irréaliste, comme l'a souligné justement Jacques Julliard.Mais à supposer même qu'elle le soit, elle ne serait qu'un marché de dupe, une  bombe à retardement prête à exploser à la première occasion. Comme tout contrat entaché d'un vice du consentement.

Quant à Jacques Julliard, lui, il n'a pu proposer autre chose que sa foi en une  laïcisation spontanée des musulmans français. On se demande sur quoi elle repose. Sûrement pas sur l'experience passée, qui nous enseigne exactement le contraire.

Finkielkraut devait être dans un mauvais jour. Il semblait presque s'incliner de lassitude devant ces propositions qui ressemblent à s'y méprendre à une capitulation.

On assistait donc pendant une heure à une conversation de qualité, entre personnes installées sur le pont d'un vaisseau de glace glissant sur une mer chaude. La France est ce navire qui se liquéfie sans bruit et dont il ne restera bientôt rien. A peine le murmure d'un souvenir agréable.