jeudi 21 juin 2012

Ménélas le gauchiste

Dans un de ses ouvrages portant sur le christianisme, C.S. Lewis compare l'homme, transformé par sa relation avec le Christ, a un soldat de plomb auquel un miraculeux artisan insuffle la vie, faisant de lui un être de chair. Cette métamorphose est très douloureuse, c'est pourquoi le soldat peut être tenté de résister à l'action de l'artisan, de s'y refuser. Si c'est ce qu'il choisit, il restera matière morte.

Parfois, je me dis que la métamorphose que les progressistes veulent opérer dans notre société française, par l'universalisme, l'immigration de masse et le métissage, ressemble un peu à ça. Ils veulent créer une civilisation riche et fraternelle, et nous, les réacs, frileusement cramponnés à notre identité, refusant la souffrance de la voir disparaître, sommes la résistance du soldat du plomb, qui peut tout faire échouer. Qui veut garder sa vie la perdra, disait le Haut Maître : peut-être l'ancienne France, celle que nous chérissons, la France millénaire de nos rois, de nos héros et de nos ancêtres, doit-elle mourir pour renaître différente et plus belle. Un peu comme la renaissance carolingienne a fait resurgir la romanité et l'idée impériale du chaos des invasions barbares, avec un surcroît de vigueur.

Je n'adhère pas à cette idée, cependant, pour une double raison : le prix à payer me semble vraiment par trop élevé, et la glorieuse métamorphose, par trop improbable. Qui fait l'ange fait la bête : tous ceux qui ont essayé de forger un homme nouveau ou une société nouvelle ont échoué, avec plus ou moins de millions de morts. Il y a quelque hybris, je le crains, à retenter l'expérience.

Mais que se passerait-il, en ces moments où je pense cela, si un gauchiste venait poser sur mon épaule une main amicale, et me dire : "Je sais ce que tu ressens. Tu souffres de voir la France que tu aimes disparaître. Pour moi aussi, cette souffrance est affreuse, car je l'aime  autant que toi. Et malgré tout, je souhaite ce sacrifice,  qui est l'immolation d'une partie de moi-même, car je crois qu'il engendrera une société meilleure. C'est ainsi, et seulement ainsi, que nous serons dignes de nos aïeux et de leur grandeur. Nous devons accepter la mort de notre civilisation, mais pour la sublimer. L'immigration de masse est un défi qui nous est lancé : nous pouvons ramper sous l'obstacle en la refusant, ou nous élever pour le surmonter, et sortir de l'épreuve grandis. C'est cela qu'il faut choisir, pour être fidèles à ce qu'il y a de meilleur en notre héritage.

Tu trouves qu'il est injuste que nous devions renoncer à notre identité, alors que ceux dont nous voulons faire nos nouveaux frères sont encouragés à rester ce qu'ils sont, à rester musulmans, Algériens ou Marocains ? Tu trouves cruel qu'on exige que nous nous désintégrions, alors qu'eux refusent de s'intégrer, sans parler de s'assimiler ? J'en conviens, c'est injuste et cruel, et cela me blesse aussi. Mais ce renoncement, cette abnégation, nous seuls en sommes capables, justement parce que nous sommes les fils de notre grande et belle civilisation, humaniste et chrétienne. Nous devons faire les dix pas vers eux qu'ils ne peuvent pas faire. La grandeur de notre héritage exige cela de nous.

Tu dis que ce n'est pas seulement une question d'identité ? Tu dis qu'il y aura des morts, que le sang coule déjà, qu'il va encore couler ? C'est vrai. Je ne te promets pas un chemin bordé de roses, mais du sang et des larmes. Pour forger une France nouvelle, nous devrons payer un tribut en vies humaines innocentes. Je le sais, et crois bien que cela m'afflige, mais ce sacrifice aussi en vaut la peine. Tu dis que toi et moi, nous pourrions faire nombre ? Certes. Ne vaudrait-il pas mieux que ce soit nous, plutôt que des femmes, des enfants, des hommes meilleurs que nous ? Je n'ai pas l'intention de me dérober à ce risque, en allant habiter dans un beau quartier tranquille ou en pratiquant la séparation ethnique dans ma vie privée. Je suis prêt à payer le prix moi-même. Ne vois-tu pas que c'est la solution la meilleure et la plus noble ? Allons, ami, prends ma main." ?

Si un gauchiste me parlait ainsi, peut-être que je tomberais en sanglots dans ses bras. Peut-être même qu'il me convaincrait. Mais cela ne risque pas d'arriver, car ce gauchiste est imaginaire. Dans la réalité, le gauchiste ne souffre pas du sacrifice de notre identité, sacrifice qu'il exige, soit parce qu'il est tellement stupide, inculte et gavé au néocrétinisme qu'il n'est pas conscient du fait que nous avons une identité en péril, soit parce qu'au fond, il est apatride, n'a aucun amour pour la France d'avant, et la voit disparaître avec indifférence.

Le gauchiste est un Ménélas qui, voyant Agamemnon hésiter, sa main armée du couteau sacrificiel tremblant d'horreur au-dessus de la gorge de sa chère Iphigénie, se met à glapir : "Grouilles-toi, connard, j'ai ma femme à récupérer."

Le Ménélas des temps modernes. L'Iliade, c'était mieux avant.

8 commentaires:

  1. J'ai frémi avant la conclusion. Sans jamais croire pouvoir me laisser embobiner par ce genre de discours...

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  2. De tous les discours qu'un gauchiste pourrait me tenir, je crois que celui-ci serait le seul qui aurait une petite chance de me convaincre, et aucun gauchiste ne me le tiendra jamais. Autant dire que je ne risque pas de m'encarter au parti socialiste.

    Tous les autres discours gauchistes, à base de bisounourseries, de chance pour la France et d'islam de paix et d'amour, ricochent immédiatement sur moi, en slogans éculés qu'ils sont.

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  3. Euh oui, mais en quoi cette société nouvelle sera-t-elle meilleure? En quoi consiste ce meilleur en notre héritage à quoi nous devrions être fidèles?
    Si c'est la tolérance, l'ouverture à l'autre et toutes ces sortes de choses, il est pour le moins paradoxal que les gens tolérants et ouverts à l'autre aient l'obligation de disparaitre pour laisser la place aux intolérants fermés aux autres.
    En somme être fidèle à notre héritage consisterait à le faire disparaitre de la surface de la terre.
    Mais si la tolérance est un bien, il est évident qu'il faut la préserver et la défendre contre les intolérants.
    Hum, pas au point le gauchiste.

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  4. Je présume qu'à un moment ou à un autre du processus alchimique, les divers, émus jusqu'aux tréfonds de l'âme par notre excellent accueil, sont quand même supposés se transformer aussi et devenir de merveilleux humanistes à babouches, aussi tolérants que nous le sommes aujourd'hui, mais meilleurs que nous parce qu'ils auront su conserver leurs babouches. Du moins, j'imagine que c'est ce qu'espère la gauche. Je n'y crois pas tellement non plus.

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  5. Ca me semble effectivement aussi fumeux que l'alchimie.
    Mais comme je suis un esprit carré, je dirais tout simplement que notre gauchiste est incapable de reconnaitre une contradiction lorsqu'il en voit une et qu'un tel discours est absurde.

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  6. D'entrée de jeu, je compare la métamorphose sociale que veulent opérer les gauchistes à celle du plomb en chair vivante, prodige auquel même les alchimistes ne prétendaient pas. Nous sommes bien sûr dans le registre de la croyance, de la mystique, voire du magique.

    Je ne peux tout de même prêter voix à un gauchiste à la pensée cohérente : le paradoxe est insoluble. Je vous ai proposé un gauchiste sensible au patriotisme, à l'identité et aux racines, et conscient des sombres conséquences de l'immigration. C'est déjà demander beaucoup à la suspension volontaire d'incrédulité que d'admettre la possibilité de son existence. Mais un gauchiste sensible au principe de non-contradiction ? Vous n'y pensez pas : s'il l'était, il serait obligé de changer de camp.

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  7. Oui, c'est exactement ça. Mélanchonélas!Hélas!
    Cependant le gauchiste pur et dur est à considérer comme
    une nuisance mais à lui tout seul il ne pourrait rien.
    Les pires ce sont les humanitaristes de droite dont on
    trouve un spécimen caractéristique en la personne de
    Mme. Kociuszko-Morizet, exemple parmi plein d'autres.
    Ces gens-là n'ont aucune excuse, ils sont la vérole de
    notre société.

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  8. Eh oui. Bien dommage que Marine n'ait pas pu la faire battre, la NKM, en appelant à la réciprocité contre elle. C'eût été un excellent tour, et une bonne leçon pour ses pareils.

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