samedi 2 septembre 2017

Week-end à Dunkerque (2/3)

Les critiques à l’encontre de « Dunkerque » portent également sur le fond du film. Elles sont de plusieurs ordres (1).

Pour certains, l’ensemble manque totalement de vraisemblance et ils dressent des listes de scènes et de circonstances « qui n’ont pu se passer ainsi ». On salue ces témoins tatillons d’un événements survenus pour la plupart d’entre-eux, et au mieux,  plus de 20 ans avant leur naissance. On note simplement que certains anciens combattants, eux,  s’y sont retrouvés, et qu’en matière de crédibilité subjective, cela nous suffit amplement.

Terminons sur ce sujet en rappelant qu’Hitchcock lui-même considérait la vraisemblance comme inintéressante  en matière de cinéma, seul important que le spectateur soit capté par l’action, par l’émotion ou le suspense. Une technique cinématographique aboutie permet de le faire. Or, sur ce dernier point, nous avons déjà exprimé ce qu’il est permis d’en penser.

Pour d’autres, on ne verrait dans ce film que quelques centaines de soldats alignés sur un coin de plage, des carcasses de camions, trois ou quatre avions et  des navires faméliques. Pour décrire une opération Dynamo qui a eu pour effet de permettre le rapatriement de centaines de milliers de soldats sous un intense pilonnage ennemi, ce serait une représentation ridiculement étroite, qui ne se justifierait même pas par un budget restreint (le film a coûté cher).

A ce type d’objections, se rattachent celles qui regrettent une totale absence de vision stratégique, qui aurait pour effet de priver le spectateur d’une perspective sur les origines de l’événement, ses enjeux et ses conséquences.

Cet argument peut s’entendre,  mais il  méconnait l’intention du réalisateur. Son objectif affiché n’est en rien de reconstituer la bataille de Dunkerque, mais de l’évoquer dans un but précis. Il suffit donc que cette évocation soit efficace, qu’importe qu’elle ne soit pas panoramique, et qu’elle ne s’inscrive pas dans la tradition respectable d’un cours d’histoire de la Sorbonne.




Nous réserverons une place particulière à un dernier reproche de fond fait au film de Nolan : l’absence prétendue à l’écran des troupes françaises qui ont pourtant permis le succès de l’opération Dynamo, en assurant la défense de Dunkerque au prix d’énormes pertes (2).

Elle est en partie injuste : des français apparaissent au début du film dans leur rôle (c’est à dire en train de défendre Dunkerque), d’autres tentent de s’embarquer, un français y parvient en se faisant passer pour un militaire anglais, enfin l’officier de marine britannique reste au péril de sa vie après l’embarquement de ses compatriotes, pour s’occuper de celui des français.

Surtout, il est stupéfiant de constater avec quelle vivacité des critiques français reprochent amèrement à un cinéaste anglais de ne pas rendre justice à l’armée française, sans songer un instant à inviter l’ensemble des si brillants metteurs en scene de notre pays à le faire. Mais au fond, pourquoi s’en étonner tant chez nous l’auto-dénigrement et la réticence au récit national est devenu une habitude familière. D’ailleurs, ce n’est venu à l’esprit de personne.

Il y a pourtant un vieux film français dont le sujet est la bataille de Dunkerque : Week-end à Zuydcotte. Remet-il en cause nos réflexions ci-dessus ?

Nous verrons cela dans la troisième partie de cette petite chronique.

(1) Un bon condensé de ce type d'arguments figure en ligne dans la critique de Jacques Mandelbaum, dans le Monde du 19 juillet 2017.
(2) On passera sur le reproche d'un film "trop blanc" par Clara Delente, dans Télérama en date du 2 août 2017.


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